Simuler le Comportement de l'Air
Reproduire les écoulements d'air sur un objet pour analyser les phénomènes de résistance au vent, les bruits ou les réactions aux variations climatiques. Telle est la vocation d'une soufflerie. Explications...
Principe d'une soufflerie moderne
Une
soufflerie est une installation conçue pour reproduire les écoulements d'air
sur un objet immobile, en circuit fermé. L'air entre à vitesse faible dans
une large chambre de tranquillisation équipée de grilles et de structures
en nid d'abeilles pour limiter les turbulences. Une fois "calmé", il se dirige
en ligne droite dans la veine d'essai où se trouve l'objet fixé sur le sol.
L'air ressort dans un diffuseur, un "couloir" dont la section s'élargit jusqu'à
atteindre le diamètre de l'hélice du ventilateur. Ce dernier est placé dans
le circuit de retour, qui ramène l'air dans la chambre de tranquillisation.
Certaines souffleries, comme celle que Renault utilise depuis 1985 à Saint-Cyr,
comptent deux hélices et deux circuits de retour. Deux paramètres caractérisent
la soufflerie. D'abord la dimension de la section de la veine d'essai : de
15 ml pour les véhicules de tourisme, jusqu'à 80 m² pour les véhicules industriels
(semi-remorques). Ensuite, la vitesse maximale de l'air, comprise entre 200
et 250 km/h. Ces deux critères déterminent les caractéristiques du bâtiment
- l'épaisseur des murs par exemple -, le diamètre de l'hélice du ventilateur
et la puissance de la soufflerie, c'est-à-dire l'énergie nécessaire pour faire
tourner le ventilateur: de 1 MW dans l'automobile, à 12 MW dans l'aéronautique.
A
chaque mesure ses équipements
Les équipements installés dans la veine d'essai dépendent des mesures à effectuer. Pour les essais climatiques, des rampes "soufflent" le froid ou le chaud (de - 25 IC à + 45 OC). Pour évaluer le bruit produit par le véhicule, la veine d'essai se transforme en chambre sourde avec des parois qui absorbent les sons parasites. Des micros placés à différents endroits de la voiture permettent de dresser une cartographie des points bruyants. Les mesures aérodynamiques déterminent, elles, les coefficients aérodynamiques - notamment le plus connu, le Cx -, qui traduisent l'ensemble des forces qui s'exercent sur le véhicule. Pour ces mesures, le véhicule est placé sur une balance qui enregistre les différents efforts. Cette balance peut pivoter pour présenter le véhicule en dérapage et simuler ainsi le vent latéral. Pour mieux comprendre les phénomènes de résistance, des générateurs de fumée permettent de visualiser les flux d'air. On peut les éclairer avec un rayon laser, ce qui permet de les observer en coupe, donc de façon plus précise. Une technique très utile pour étudier les écoulements d'air turbulents qui se forment derrière certains équipements comme les rétroviseurs. Le véhicule est parfois placé sur un tapis qui simule le défilement du sol. Une façon de s'approcher au plus près de la réalité. La nouvelle soufflerie de Saint-Cyr sera équipée d'un tel système, avec un angle de dérapage maximal de 30°, ce qui impose une veine d'essai plus grande (24 m²). Une deuxième soufflerie permettra de réaliser des essais sur des maquettes à échelle réduite (2/5).
Déroulement
d'un essai type
Equipé de capteurs, le véhicule est calé dans la veine d'essai. On réalise deux mesures successives, on les compare si les données concordent, elles sont considérées comme exactes. Ensuite, pour une autre mesure, on peut intervenir sur la voiture : par exemple, démonter un rétroviseur pour évaluer l'impact de cet accessoire sur le Cx, ou, dans le cas d'une maquette de style, changer sa forme pour évaluer une amélioration proposée au designer.
Et demain ?
Les souffleries et les prototypes coûtent cher. Les constructeurs cherchent donc à modéliser le comportement de l'air afin d'en simuler les écoulements sur ordinateur. Mais la tâche est ardue, car les phénomènes aérodynamiques sont complexes à numériser et nécessitent d'importantes puissances de calcul. Renault travaille sur une nouvelle modélisation de l'air, plus précise, qui permettrait de se passer de certains essais. Toutefois, même si la soufflerie numérique voit le jour, les essais réels resteront indispensables.
![]() |
(Avril 2002) |
![]() |
(Février 2002 ) |
Réalisé d'après R&D magazine